Nanofluidique théorique : phénomènes de transport passif et actif dans les nanostructures
Le fonctionnement de nombreux systèmes biologiques ou artificiels repose sur le transport d’ions ou de molécules à travers des membranes nanoporeuses. Malgré de nombreuses applications (séparation, désalinisation, détection de particules,…) et des études approfondies dans ce domaine en plein essor, les mécanismes contrôlant le transport à l’échelle nanoscopique sont encore mal compris.
En collaboration avec M. Manghi (LPT, Toulouse), nous avons participé à plusieurs études du transport ionique et moléculaire à travers les nanopores [projets ANR TRANSION (2014-2017) et IONESCO (2019-2023)] en apportant une compréhension théorique des expériences, menées par le groupe Nanomatériaux L2C sur les nanotubes de carbone (CNTs), et des simulations moléculaires (en collaboration avec F. Picaud, Université de Franche Comté, Besançon). Notre travail consiste à modéliser le transport ionique pour rationaliser les résultats expérimentaux et à développer des outils théoriques pour prendre en compte les propriétés spécifiques des CNTs.
Les méthodes théoriques utilisées combinent les équations de l’hydrodynamique et de la physique statistique hors équilibre avec celles de l’électrostatique. Pour comprendre le phénomène de régulation de la charge, ces équations ont été couplées à un modèle simple d’adsorption de la physique statistique. Dans un travail sur le rôle des effets diélectriques et des interactions de volume exclu dans les électrolytes, nous avons utilisé une approche de théorie variationnelle des champs combinée à la théorie des liquides à cœur dur pour améliorer notre compréhension des transitions de phase ionique « liquide-vapeur ». Un modèle analytique basé sur la théorie du champ moyen (équations de Poisson-Nernst-Planck) a été utilisé pour modéliser à la fois les données expérimentales de conductivité de nanopores uniques et les résultats de simulations de dynamique moléculaire. Un aspect original de cette approche a été d’inclure le glissement de l’écoulement à la surface du pore et d’élucider le rôle important qu’il joue dans la conductivité du nanopore. Des variations inattendues, mesurées expérimentalement, de la conductivité des nanopores en fonction de la concentration en sel ont été expliquées à l’aide d’un nouveau modèle de régulation de la charge en termes de différents régimes d’échelle.
Nous avons également étudié le couplage entre le transport des ions à l’intérieure des CNTs et les propriétés des électrons sur la surface du nanotube lui-même, modulées par une tension de grille, en mettant en lumière le rôle de la capacitance quantique. Nous avons conclu que la faible densité d’états des porteurs de charge électronique dans les CNTs, comparée, par exemple, à celle des nanopores plaqués or, nécessite la prise en compte de la capacité quantique des CNT pour calculer la conductivité ionique. Nos travaux permettent d’établir un lien quantitatif entre les propriétés électroniques intrinsèques des CNTs et la conductivité des électrolytes confinés à leur intérieur.