La lacune de bore dans le nitrure de bore hexagonal: vers un capteur quantique atomiquement fin

  • Type d'évènement : Soutenance de thèse
  • Dates : 5 décembre 2025
  • Horaires : 14h00
  • Lieu : Amphi de Physique - Bâtiment 20 - Campus Triolet

Tristan CLUA PROVOST

Les capteurs quantiques basés sur des défauts de spin optiquement actifs, tels que le centre lacune-azote (NV) dans le diamant, ont déjà démontré un potentiel remarquable. Ces systèmes ont trouvé des applications variées, de la biologie à la géologie, mais c’est surtout en physique de la matière condensée qu’ils ont profondément marqué leur domaine, notamment grâce à l’imagerie de structures magnétiques microscopiques telles que les parois de domaines ou les vortex supraconducteurs. Leur maturité technologique est telle qu’ils sont aujourd’hui disponibles commercialement. Récemment, ces capteurs ont trouvé un nouveau terrain d’exploration : les matériaux de van der Waals (vdW). Ces cristaux lamellaires, composés de feuillets atomiques faiblement liés par des interactions de van der Waals, peuvent être exfoliés jusqu’à la monocouche, donnant naissance à de véritables matériaux bidimensionnels. Depuis la découverte du graphène, cette famille s’est rapidement élargie pour inclure des supraconducteurs, des aimants ferro- et antiferromagnétiques ou encore des isolants topologiques, couvrant presque tout le bestiaire de la matière condensée. En empilant ces couches, on peut former des hétérostructures dont la physique est encore plus riche, révélant par exemple une supraconductivité topologique ou des états électroniques exotiques dans des bicouches torsadées de graphène. Face à cet engouement, une question a émergé : et si le capteur quantique lui-même devenait un matériau de van der Waals ? Passer d’un capteur tridimensionnel (3D) à un capteur bidimensionnel (2D) offrirait plusieurs avantages majeurs. Le premier serait une proximité ultime entre le capteur et l’échantillon, permettant une sensibilité accrue et une résolution spatiale améliorée. De plus, une telle feuille atomique flexible pourrait être intégrée dans des hétérostructures complexes, ouvrant la voie à une exploration in situ de la physique des matériaux vdW. Le choix du matériau hôte est alors crucial. Il doit posséder une large bande interdite pour héberger des défauts optiquement actifs et être chimiquement stable dans des conditions ambiantes. Le nitrure de bore hexagonal (hBN) répond parfaitement à ces critères. Isolant doté d’une bande interdite d’environ 6 eV, stable jusqu’à 1000 °C et presque insensible à l’oxydation, il est devenu une couche protectrice incontournable dans la communauté des matériaux 2D. En 2020, Gottscholl et collaborateurs ont identifié dans l’hBN un défaut particulièrement prometteur : la lacune de bore chargée négativement (VB). Ce défaut porte un spin et présente des propriétés optiques analogues à celles du centre NV du diamant, marquant le point de départ d’un nouveau champ de recherche dans lequel ce travail s’inscrit. L’objectif principal de cette thèse est d’évaluer le potentiel et la viabilité du défaut VB comme capteur quantique bidimensionnel. Ce travail vise à démontrer ses capacités de détection, à identifier les principaux obstacles à sa performance, à optimiser son environnement et son processus de création, et à tester sa stabilité jusqu’à la limite de la monocouche. Le manuscrit s’articule autour de cinq chapitres. Le premier présente les propriétés électroniques, optiques et de spin du défaut et en démontre le potentiel pour l’imagerie magnétique. Le second explore sa photodynamique dépendante du spin, modélisée par un schéma à sept niveaux. Le troisième chapitre aborde l’ingénierie du bain nucléaire via la purification isotopique et la polarisation dynamique des spins. Le quatrième s’intéresse à la création contrôlée de défauts par irradiation neutronique et à leur comportement jusqu’à l’échelle atomique. Enfin, le cinquième étudie la physique des flocons minces, montrant que la cohérence de spin est préservée malgré la proximité de surface.