Vers une émission cyclotron stimulée dans des systèmes de Dirac
Benjamin BENHAMOU
L’utilisation du rayonnement térahertz (THz) connaît un essor rapide, allant de la recherche fondamentale aux applications variées telles que les communications, la sécurité ou les tests non destructifs. Pourtant, un problème technologique subsiste : aucun dispositif compact à base de semiconducteurs ne permet une émission continuement accordable sur toute la gamme 1–5 THz. Cette thèse s’inscrit dans ce contexte, en explorant les propriétés physiques des matériaux de Dirac et les phénomènes fondamentaux susceptibles de conduire à de nouvelles sources THz. Les travaux expérimentaux portent sur l’étude magnéto-spectroscopique d’hétérostructures semi-conductrices, avec un accent particulier sur l’émission cyclotron (ou émission Landau). Alors que la magnéto-absorption repose sur la transition entre niveaux de Landau par absorption de photons, l’émission Landau correspond au processus inverse, c’est-à-dire la recombinaison radiative de porteurs excités vers des niveaux d’énergie plus bas. Ce mécanisme a permis la réalisation du seul laser à niveaux de Landau à ce jour, le laser p-Ge, capable de couvrir une large portion du domaine THz grâce à l’accordabilitité par le champ magnétique. Cependant, son fonctionnement nécessite de forts champs magnétiques et électriques ainsi que des températures cryogéniques, limitant son utilisation à la recherche fondamentale. Les puits quantiques à base de HgTe, identifiés dans les années 2000 comme matériaux de Dirac et topologiques, permettent une émission de Landau intense sur tout le spectre THz, à des champs magnétiques bien plus faibles. Le premier résultat de cette thèse a consisté à démontrer que cette phase de Dirac permet une accordabilité électrique de la fréquence d’émission grâce à la modulation de la densité électronique par effet de grille. Des expériences menées sous champs électriques et magnétiques croisés intenses visant à explorer des régimes de transport extrêmes ont aussi révélé la forte non-parabolicité de la structure de bande à travers la dynamique des porteurs chauds. Ce comportement met en évidence l’une des principales limites des semi-conducteurs II–VI : leur sensibilité à la température et la complexité de fabrication, rendant difficile l’obtention des champs électriques intenses nécessaires à une inversion de population. Une autre approche pour atteindre l’émission stimulée consiste à exploiter le fort couplage lumière–matière, menant à la formation de quasi-particules hybrides appelées polaritons. Ces entités peuvent condenser dans un état quantique unique et émettre une lumière cohérente lors de leur recombinaison radiative. Une cavité Fabry–Perot THz a ainsi été conçue, dont la résonance est couplée à la transition cyclotron des structures à base de HgTe, favorisant la formation de polaritons de Landau. Leur existence a été confirmée par des mesures de magnéto-réflectivité. Nous avons ensuite démontré l’électroluminescence de ces polaritons et montré que le système opère à proximité du seuil laser. L’amélioration du facteur de qualité de la cavité apparaît comme la voie la plus prometteuse pour atteindre le régime laser polaritonique et réaliser un émetteur THz compact. Enfin, la thèse s’ouvre sur une autre famille de semi-conducteurs, les composés III–V, moins sensibles à la température, technologiquement matures et pouvant présenter de hautes mobilités électroniques. L’émission de Landau a été étudiée dans des puits à base d’InSb et de GaAs, ainsi que dans une hétérostructure exotique en super-réseau à base d’InAs et de GaInSb. Ce système, qui abrite une phase de Dirac tridimensionnelle, apparaît comme un candidat particulièrement prometteur pour la réalisation d’un laser à niveaux de Landau capable de combler le fossé technologique du domaine térahertz.